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REFERENDUM KAMARAMPAKA OU IMPLOSION DE LA NATION RWANDAISE?

Rwanda                                                                                                                                           

25 Septembre 1961                                                                                                                

REFERENDUM KAMARAMPAKA OU IMPLOSION DE LA NATION RWANDAISE ? 

Le fait historique étant de notoriété publique, ratissons large, ou faisons bref, pour la base et pour les balises de notre propos. Nous sommes le 25 septembre 1961, à la veille d’une indépendance politique qui, jusqu’en juillet 1994, n’aura eu d’être que d’être de pure forme. 25 septembre 1961 donc : pour la toute première fois dans l’histoire, de mémoire de Rwandais, la question de la forme monarchique ou républicaine de l’Etat est, de toute force, et de façon impénitente, portée « sur la place publique. (…) »

Débattu, « le fait royal » peut dès lors être « combattu. » De longe longue date, de longue haleine, et de longue main, un processus d’atomisation de la Nation Rwandaise y avait présidé. Contextualisons. Mais pour quelle perspective ? Celle du spectre du phénomène macrosocial et de méga-contentieux d’un génocide…

REGARDS CROISES DE TEMOINS AURICULAIRES, ETRANGERS, INDEPENDANTS ET INATTENDUS

Procédons à une lecture cursive, à travers les regards croisés de deux témoins de l’époque. On les dira d’autant moins tendancieux qu’ils ne sont ni Africains, ni Rwandais, ni donc Tutsi, Hutu ou Twa. Attention cependant aux concepts que les deux auteurs veulent opératoires, alors qu’ils sont excentriques au contexte culturel à l’étude ! Deux exemples : « Ubuhake », au Rwanda, est un concept que, scientifiquement, l’on ne peut pas traduire par le concept occidental de « féodalité. » De même, pour le dernier état de la recherche scientifique, l’application, aux Tutsis, de l’attribut « Hamite, » est éculée.

Les deux témoins répondent respectivement aux noms de Paul Del Perugia et d’Omer Marchal. Le premier a écrit « Les derniers mages. Paris, éditions Payot & Rivages, 1993, 352 pages. » Paul Del Perugia croit trouver, au Rwanda, une culture unique, une civilisation quasiment, que l’Occident est venu anéantir, avec sa colonisation. Il s’agit, au fait, d’un ethnocide, qui ne dit pas son nom. Deux ans durant, Paul Del Perugia a résidé au Rwanda. Le voilà qui y constate « une expérience à laquelle une immense durée, protégée dans l’espace par de hauts remparts géographiques, avait été nécessaire pour parvenir jusqu’au XXe siècle. » Mais depuis « la Toussaint-Rouge en 1959, le Rwanda (…) a traversé des crises qui ont contribué à « normaliser » un régime politique d’importation (…). Qu’il semble puéril de feindre d’ignorer le sens d’une telle prestidigitation ! » 

À Omer MARCHAL, nous devons « Pleure, Ô Rwanda bien-aimé. Les Batutsi, un holocauste oublié. Villance-en-Ardenne, Omer Marchal éditeur, 1994, 110 p. » Face à la « Toussaint-Rouge » et à ses suites, OMER MARCHAL se pose deux questions. Sur les Bahutu: « S’ils étaient ces bons Bahutu qu’on nous dit, agiraient-ils si cruellement ? », puis sur les Batutsi: « pour mériter un tel sort, seraient-ils si mauvais ? » Le point d’ancrage du génocide ultérieur s’origine dans ce qu’il appelle une « Révolution », « qui n’était pas, à proprement parler, une vraie, et tout bascula. » Le soulèvement se fait autour d’une figure emblématique : un certain Dominique Mbonyumutwa, « (…) sous-chef d’une circonscription du territoire de Gitarama. »

Un événement, majeur, s’il en fut, avait servi à préparer « La Toussaint Rouge. » Il s’agit de la mort du Roi MUTARA III RUDAHIGWA, décès survenu le 25 juillet 1959, dans des circonstances non encore élucidées, qui nourriront toutes les suspicions, les parties en conflit se rejetant, dans l’ombre, la responsabilité de la disparition du Roi.

Après le choc de « La Toussaint-Rouge », prévaudra une situation d’impunité, de patente illégalité et d’aboutissement d’une démocratisation qui se situe aux antipodes d’une véritable démocratie. La convocation d’un REFERENDUM y constituait, en soi, une arme à deux taillants : « Vouloir faire plébisciter la royauté et le Roi était une arme à deux taillants. Porté sur la place publique, le fait royal pouvait être discuté, combattu. » 

Le vote d’une population non instruite et peu éduquée, par trop soumise à l’endoctrinement et à la propagande, donnera les résultats connus d’avance. « Les Batutsi ont perdu. »  Les Batutsi ont perdu, et ils ne pouvaient que perdre. L’équilibre des forces sur le terrain ne militait pas en leur faveur. L’adversaire, qui était la puissance publique, en l’occurrence coloniale, tutélaire dans l’espèce, s’acharnait à leur perte :

« Les Batutsi ont perdu. S’ils avaient gagné, eussent-ils vaincu ? Ce n’est pas sûr.   Ils avaient gagné au Burundi. Le surlendemain de la victoire de l’UPRONA, une militante démocrate chrétienne de Belgique me déclarait, entre Usumbura et Astrida : « Le bureau de l’Union démocrate-chrétienne s’est réuni hier. Il conteste le résultat des élections. Rwagasore pourrait être assassiné. Moins d’un mois plus tard, le prince vainqueur, dînant à la terrasse d’un restaurant connu, au bord du beau Tanganyika, Rwagasore périssait (…). Ceux qui avaient fait tuer Rwagasore auraient agi dans le même sens au Rwanda. Par eux, la haine avait été semée. »

Un malheur ne vient jamais seul. L’irrégularité de la succession fera pêcher en eaux troubles : « Charles n’aura pas d’enfants, c’est lui le stérile, c’est la première cause de la Toussaint rouge de 1959. » Et oui, le mal vient de loin.

LA TOUSSAINT-ROUGE : ORIGINE, GERME ET REGIME DE LA METAPHORE

OMER MARCHAL s’inspire de l’historiographe Jean Hubert sur La Toussaint Rwandaise.  Recherche de la cause de l’événement, non dans l’immédiateté de son occasion, ou de son occurrence, mais dans l’origine culturelle globale, qui en est le principe de causalité… L’absence de mécanismes de succession politique donne lieu à des situations de rupture : « (…) Charles n’aura pas d’enfant (…), c’est la première cause de la Toussaint Rouge. »

Il y a, semble-t-il, entre plusieurs autres, deux écoles d’historiens : celle qui veut que l’histoire soit le fait des sociétés, et celle qui veut qu’elle soit le fait d’individualités hors-pairs. Mais qu’à cela ne tienne. Les sociétés et leurs institutions fonctionnent avec des hommes. Le destin de telle figure emblématique peut influer sur le destin de tout un peuple. L’on songe à Lamartine, dans un tout autre contexte : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. » La seule rumeur que Dominique Mbonyumutwa est l’objet d’un attentat suffira à faire basculer le destin d’un peuple, peu importe que l’attentat soit établi.

« C’est le 1er novembre 1959, qualifié par l’historiographe Jean Hubert de Toussaint Rwandaise, qu’éclate le premier soulèvement populaire des Bahutu contre le pouvoir féodal des éleveurs batutsi. La Toussaint Rwandaise prend les traits d’un homme simple un peu lourd, Dominique Mbonyumutwa. Celui-ci a été nommé par la puissance tutélaire belge sous-chef d’une circonscription du territoire de Gitarama. » 

Pour OMER MARCHAL, l’occasion d’enjeux politiques liés à l’indépendance du pays, favorisera, au Rwanda, l’exercice du mal, sous son jour absolu : « Rapidement, le ton de la « revendication » monta, et il fut bientôt clair que la mise en place de la nouvelle démocratie se solderait par un bain de sang. »  La Toussaint avait été de sang. Noël 1963 sera de sang.

LES PRODROMES DU GENOCIDE

Le 24 mars 1957, sur et entre les lignes, Le Manifeste des Bahutu annonce, sans beaucoup d’ambages, le génocide à venir. L’intention du génocide y apparaît déjà, corollairement à l’étape de la définition et du recensement de la minorité dite « hamite. » La « Solution finale » est déjà bien connotée, voire dénotée, dans le mot qui définit : « On aurait pu se borner à retirer le pouvoir à la minorité ethnique régnante; on préféra la liquider purement et simplement, selon un processus dont notre siècle a donné – et donne encore – des exemples peu reluisants. »

Les caractéristiques des premiers massacres accusent une réelle programmation : couverture du massacre par un voile de silence, une désinformation élaborée, absence d’interventions, suite au « vertueux silence, à l’intérieur comme à l’extérieur. » Le fait matériel du génocide est, à son départ, non d’une quelconque armée ou police, ni de badauds ou de païens, mais de civils, de chrétiens, à des dates et à des périodes hautement symboliques, du point de vue de la religion. La définition déshumanisante de la victime par son bourreau a intégré un élément de malédiction divine :

« La disparition de la civilisation des rois mages fut ainsi le résultat de deux « Saint – Barthélemy » distinctes, coïncidant, non point par hasard, avec des fêtes catholiques: la Toussaint – Rouge de 1959 et le Noël – Rouge de 1963. » Ironie du sort et comble de l’histoire, c’est autour de Pâques que surviendra, ou qu’interviendra « La Solution finale de la question tutsie au Rwanda. » Nous sommes en avril 1994. Rendons néanmoins justice à Rome. Radio Vatican énonce et dénonce un génocide, au lendemain de Noël 1963.

DE L’IMPLOSION DE LA NATION à SON ATOMISATION PAR GENOCIDE INTERPOSE

Simple fait matériel au début, le génocide deviendra, progressivement, fait de culture: « Les vainqueurs étaient sûrs de l’impunité. » Depuis le 1er novembre 1959, la date, les signaux, les signes, les indices, les indicateurs, bref, les preuves, qui sont données par Omer Marchal et par Paul Del Perugia, recoupent celles qu’indiquent d’innombrables autres chercheurs. L’historicité des faits est consignée et, métaphoriquement qualifiée. La Toussaint-Rwandaise aura été rouge du sang des Tutsi. L’épicentre hutu du génocide trouve, depuis, dans la sous-région, un terrain de prédilection, ou de malédiction, pour son séisme.

De quoi faut-il s’étonner ?  Sur la longue durée qui court du 25 septembre 1961 au 25 septembre 2022, le phénomène intergénérationnel du génocide aura été inculturé à trois niveaux, dans plus d’un pays des trois ex-colonies belges : niveau de l’idée, du concept ou de l’antivaleur d’abord, niveau des institutions ensuite, niveau des expressions et du folklore, enfin.

Dr Jean MUKIMBIRI, Médiateur, Certifié en gestion d’organismes culturels

Secrétaire Général du Réseau International Recherche et Génocide (RESIRG).

This Post Has 4 Comments

  1. Annie NYIRAMONGI

    Merci beaucoup Dr Jean Mukimbiri. Un historien de haut niveau.
    Chapeau bas !👌👏
    Amateka ashaririye. 😭😭😭
    Tuzarwanya abo bose bashaka kongera gusubiza u Rwanda mw’ icuraburindi.
    Genocide Never Again

  2. S. Kajugiro.

    Urakoze cyane gutanga neza amateka Urwanda rwaciyemo.
    En tant que philosophe de l’histoire et historien, tu es porteur de flambeau afin que l’histoire africaine n’oublie pas son peuple rwandais.

  3. S. Kajugiro.

    Bonjour Dr Mukimbiri.
    Votre contribution a notre histoire aidera beaucoup la reconciliation et la construction de notre pays. En tant que philosophe de l’histoire et historien philosophe, vous portez le flambeau afin que l’histoire africaine se souvienne toujours des rwandais..

  4. S. Kajugiro.

    Mubishoboye rero mwazagira film cyangwa theater y’ayo mateka kugira ngo abantu bayamenye cyane.

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